Il n’y a pas de bonne réponse, pas de « formule spéciale ». La personne que vous aimez n’attend pas de votre part la solution magique, pour la simple raison qu’elle est aussi en territoire inconnu. Elle ne sait pas non plus quoi faire. Elle ne sait pas si elle veut en parler ou pas, elle ne sait pas comment se comporter, vu que c’est la première fois pour elle aussi !
Bien sûr, je ne peux pas parler pour tout le monde. Mais je peux vous dire ce qui m’a aidé. La chose la plus importante, quel que soit la situation, c’est de ne pas abandonner la personne. Ce que je veux dire par là c’est qu’il ne faut pas que vous fassiez semblant que ‘la crise’, quelle qu’elle soit, est inexistante. Ne prévoyez pas que, si la personne a besoin d’aide, elle la demandera. Ne pensez pas qu’elle préférerait simplement se comporter normalement. La normalité n’existe plus.
Un de mes collègues est venu vers moi le premier jour de retour au travail, après le diagnostic d’Elliot. Tout le monde le savait, bien sûr; mon lieu de travail est l’un de ces endroits où tout le monde sait tout sur tout le monde. La plaisanterie chez nous est que les collègues seraient au courant de votre divorce imminent avant vous-même!
Ce n’était pas quelqu’un que je connaissais particulièrement bien, même si, dans mon milieu professionnel, les gens se connaissent mieux que dans la plupart des milieux. Il s’est approché de moi, a attendu que je sois disponible, et m’a dit, rapidement : ‘Je ne sais pas quoi te dire, mais je suis là.’
C’était suffisant, et pendant un moment, je me suis sentie moins seule.
Ma famille, mes amis et mes collègues m’ont vraiment étonné, tout au long de cette histoire. Alors oui, voici la partie larmoyante, pendant laquelle, en pleurant, je remercie tous ceux qui m’ont aidé (je m’imagine dans une belle robe de créateur, accrochée à un Oscar, tandis que je fais mon discours de remerciements).
A ma mère, qui se bat contre le cancer depuis douze ans, et qui a tout laissé tomber pour faire 6’500km en avion de façon à être présente et pour m’aider. Trois fois en dix mois.
A mon père, qui est toujours le premier à me lire et à m’envoyer un email au sujet d’un article sur mon blog à propos d’Elliot, malgré un décalage horaire de 6 heures (a-t-il une alarme qui le réveille dès je poste quelque chose, afin d’être le premier?). Il a aussi fait deux longs voyages pour pouvoir partager les moments importants.
A ma grande sœur, qui économise et prépare des voyages de rêve, mais claque tout sur des vols à destination de la Suisse. Maintes et maintes fois. Puis me dit que ce n’est pas grave, parce que, de toute façon, elle avait besoin de chocolat.
A ma petite sœur, la plus patiente des camarades de jeu d’Elliot.
Au reste de ma famille, mes frères, mes cousins et cousines, mes oncles et tantes, les amis de mes parents, et tous ceux qui continuent à m’envoyer des messages et des lettres de soutien, des petits cadeaux et des cartes pour Elliot, et des messages sur mon blog. Vous avez montré votre solidarité de mille façons et j’espère que vous vous rendez compte à quel point ça m’a touché.
Aux parents de Martin, qui sont arrivés dans notre chambre d’hôpital moins de 24 heures après avoir entendu la nouvelle, bien qu’ils vivent au Danemark. Ils ont été d’une patience incroyable, même quand je leur posais un million de questions d’ordre médical (ils sont médecin et infirmière) et que je leur faisais analyser toutes les formules sanguines, les scanners et les protocoles, bien que tout ait été écrit en français (vous ai-je dis qu’ils sont danois?). Ils ont suivi chaque étape de ce drame, en allant jusqu’à annuler des voyages, afin d’être ‘en standby’ (apparemment le Japon peut attendre).
A la sœur de Martin, qui est venue immédiatement pour le week-end, pour soutenir son frère suite au choc initial. C’était la première fois qu’elle laissait ses trois jeunes enfants, et elle a passé tout son temps … à jouer avec notre enfant de 4 ans.
A mes amis …
Celle qui m’a longtemps écouté au téléphone, la première nuit, puis m’a envoyé des textos à l’hôpital jusqu’à 2h du matin (j’ai remarqué l’heure quelques semaines plus tard, lorsque je relisais les messages … ce fut une courte nuit pour elle aussi.)
Celle qui m’envoie un message chaque fois que je suis à l’hôpital (je ne sais même pas comment elle le fait, nous avons été à l’hôpital plus de 100 fois).
Celui qui fait tomber des biscuits et du chocolat dans ma boîte aux lettres par hasard. (Je le répète, le chocolat n’est que pour moi. Je partage les cookies avec les enfants).
Celle qui m’envoie régulièrement des messages bienveillants et inspirants, malgré sa récente tragédie personnelle, et qui est toujours disponible pour prendre un café et papoter.
Celle qui vit au Canada et, se sentant impuissante, a commencé à m’envoyer des e-mails concernant sa vie quotidienne pour me distraire (l’histoire du gâteau de mariage en forme de valise est culte).
Tous mes amis qui sont parents et qui, désormais, en savent presque autant que moi sur les taux de globules blancs et les microbes… Et qui viennent avec leurs enfants pour jouer avec mon fils à l’intérieur, même lors de belles journées ensoleillées où ils auraient sûrement préféré être au parc …
Mes amis au travail qui, sentant la nécessité de ‘faire quelque chose’, ont récolté tellement d’argent qu’on a pu offrir à Elliot un deuxième Noël …
Mes copines d’ici, qui ont acheté un cadeau inoubliable à Elliot pour fêter la fin de la chimio: un vélo de grand garçon. Puis elles m’ont offert un bon fabuleux pour aller me détendre dans un spa.
Et mes amis, qui gardent l’œil sur moi, qui envoient de petits cadeaux, qui laissent des choses dans mon casier au travail, et qui m’emmènent boire un café, ou autre (je n’oublie pas notre soirée ‘spéciale’ en novembre, les filles !)
A toute notre famille et aux amis qui sont venus à la fête de fin-de-traitement d’Elliot, certains faisant un bon bout de route, et d’autres portant des t-shirts remarquables ! Et à ceux qui voulaient y être mais ne pouvaient pas. Ce fut une journée magique pour lui !
A ma nouvelle amie du ‘cancer’; son fils a eu le même cancer il y a quelques années, et est maintenant un homme de 20 ans en pleine forme. Elle ne m’a pas épargné sur ce que j’allais vivre, mais m’a toujours donné de l’espoir et de bons conseils. Lorsque je lui demandais : ‘Mais comment as-tu fait face ?, elle me répondait calmement: « Tu fais face parce que tu n’as pas le choix. »
A l’ARFEC (Association Romande des Familles d’Enfants Atteints d’un Cancer), qui nous a soutenus dès le premier jour.
A l’enseignante d’Elliot, qui a veillé à ce qu’il fasse toujours partie de la classe, (malgré le fait qu’il ait raté presque toute l’année), en lui envoyant des lettres, des cartes et de petits projets. Elle a aussi réussi à expliquer le cancer à sa classe de vingt jeunes enfants, sans le transformer en quelque chose de bizarre et effrayant, de sorte, qu’au retour d’Elliot, ils soient prêts à l’accueillir.
A mon collègue qui s’est assuré que je sache qu’il était là, si j’avais besoin de parler, à tout moment.
Au donateur anonyme qui a voulu nous donner 5000chf lorsque notre compagnie d’assurance à refusé de rembourser l’un des médicaments de chimiothérapie. (L’argent a finalement été versé à l’ARFEC, puisque la compagnie d’assurance a changé d’avis après que l’article dans un journal local ait créé un tollé d’indignation publique).
Au gars de ma boulangerie, qui me donne régulièrement un cookie gratuit pour Elliot, même si l’on n’a jamais parlé d’Elliot, du cancer, ou même de savoir si Elliot aime ces cookies (en fait, il les adore!).
A notre pharmacienne, à Rolle, qui a passé des heures à la recherche de différents médicaments pour Elliot, en cherchant ceux qui ont un ‘goût ok’, au point même de faire elle-même des comprimés.
Au père de mes deux grands garçons, qui me les a laissés l’année dernière à Noël, même si ce n’était pas convenu comme ça, et sans poser de questions.
A mes deux grands garçons, qui sont tout simplement formidables.
A mon mari, où commencer … Nous avons fait ce petit garçon parfait avec une petite faille tragique et, malgré tout, je ne le changerais pour rien au monde.
Et à Elliot, qui, lorsque je l’ai couché ce soir, a mis son bras autour de moi et a murmuré, doucement, dans mon oreille: ‘Tu sais, j’aime toi et papa presque autant que mon ours polaire …»
MERCI
(Applaudissements et standing ovation pendant que je quitte élégamment la scène……puis je chute parce que je ne suis pas habituée aux talons…..)