Dernièrement, le monde du cancer m’a amenée à réfléchir sur l’importance de l’amitié. Que ferions-nous sans amis? Les femmes, en particulier, ont besoin de leurs copines. En fait, récemment, sur Facebook, un poste parlait d’une étude qui a été faite et qui a déterminé que, la meilleure chose qu’un homme puisse faire pour sa santé, est d’épouser une femme, alors que la meilleure chose possible pour une femme est de faire fleurir ses amitiés avec d’autres femmes.
C’est tellement vrai.
Une amie est là pour me soutenir dans les moments difficiles de diagnostic et de traitement d’Elliot, même si ses enfants n’ont jamais eu de cancer. Elle comprend. Ce n’est pas grave si ce n’est pas son enfant, elle ressent réellement la peur et l’anxiété que je ressens. Comment les femmes font-elles? Nous prenons en charge toute la douleur et la souffrance de ceux qui nous entourent. Quand quelqu’un que nous aimons est blessé, nous souffrons aussi. Les hommes sont plus aptes à compartimenter leur vie, à séparer leurs émotions de leurs actions.
Je discutais récemment avec une maman, dont le fils avait il y a quelques années un cancer, et est maintenant considéré comme «guéri» (apparemment, on peut seulement dire «guéri» avec des guillemets, car il n’y a jamais une garantie réelle. Bon sang, et moi qui espérais que l’hôpital me donne un jour un document officiel intitulé « Il Est Guéri »!) Elle m’a dit qu’une personne lui a récemment conseillé de «fermer la porte » sur le cancer, que cela fait partie du passé, et il était maintenant temps de passer à autre chose.
Nous nous sommes regardées un moment après qu’elle ait dit cela. Puis elle a ajouté qu’il serait très difficile de faire ça, vu qu’elle venait de s’engager pour un mandat de deux ans de travail avec un groupe de cancer pour les enfants.
Nous avons ri.
Le problème, franchement, c’est qu’il n’y a pas de porte à fermer.
Être une maman cancer n’est pas un choix, et ce n’est (malheureusement) pas un rôle temporaire. Personne ne pénètre dans le monde du cancer de façon volontaire, mais une fois que vous y êtes, vous n’avez pas beaucoup de choix. Vous vous adaptez. Même mes amies, dont les enfants n’ont pas de cancer, ont été entraînées dans ce monde avec moi. Bien sûr, pas aussi intensément que moi, mais, qu’elles le veuillent ou non, elles peuvent désormais communiquer facilement sur les niveaux de cellules sanguines, de rechutes, d’effets secondaires de la chimiothérapie, de vomissements, d’aiguilles et de Port-A-Cath. De plus, elles peuvent rire de tout cela, et pleurer de tout cela, et tandis qu’elles rient et pleurent, elles peuvent aussi préparer le souper, et faire deux brassées de lessive, et trouver la pièce manquante lego, et nettoyer la salle de séjour, et nourrir le chat, et arrêter un enfant qui frappe l’autre, et envoyer un sms à une amie, et se polir les ongles des orteils. Et, pendant qu’elles font tout cela en même temps, le mari n’a que le temps d’entrer dans la cuisine, ouvrir un placard, regarder dans ses profondeurs pendant plusieurs minutes, puis demander: «Où rangeons-nous le sel? ».
Ok, je ne veux pas insulter la population masculine, et je risque d’être accusée d’avoir légèrement exagéré (mon mari sait réellement où se trouve la salière !). Mais, franchement, prenons quelques secondes pour féliciter toutes les femmes, mamans-cancer et amies-cancer, qui subissent, ou ont subi, ce voyage.
Je vis dans un ménage qui est, à part moi, exclusivement masculin. Ceci a quelques avantages. J’ai dit à Jesse, l’autre jour, de sortir les ordures, et il m’a répondu avec une sorte de grommellement qui ressemblait à « ok ». Un de mes amis (mâle), qui a une fille adolescente, m’a dit récemment qu’il avait demandé à sa fille de sortir les poubelles et que la jeune fille avait éclaté en sanglots, accusé son père d’essayer de ruiner sa vie, et couru dans sa chambre en claquant la porte. Il s’avère qu’elle venait de faire ses cheveux et mettre sa nouvelle jupe, qu’elle aurait voulu montrer à son père (et qu’il n’a même pas remarquée), et il pleuvait dehors. Ce qui, toute femme le sait, signifie qu’il n’est pas question de sortir les poubelles dans ces conditions, et, comment osez-vous ne pas remarquer mes cheveux et ma tenue?!?!
Jesse a pris la poubelle sans un mot. Il n’a, par contre, pas pris la peine de mettre des chaussettes et des chaussures ou un t-shirt. Et il pleuvait dehors. Quand il est rentré j’ai dit: «Tu vas attraper un rhume à sortir comme ça! » et il a grommelé quelque chose qui ressemblait à « ok » et s’est dirigé vers la cuisine, où il a mangé un pain entier, un pot de beurre d’arachide, et ensuite bu un litre de lait.
Il y a donc des avantages à l’importance de testostérone dans ma maison, mais aussi des inconvénients. Parfois, ça me manque de ne pas avoir quelqu’un avec qui parler longuement. Occasionnellement, lors de moments de calme, il m’arrive de dire à mon mari « Alors, de quoi veux-tu parler? » Il a alors un regard légèrement paniqué. Daniel rentre de l’école et, avec enthousiasme, je lui demande comment s’est passée sa journée, qu’est-ce qu’il a fait, etc. etc. (C’est une nouvelle année scolaire, je suis curieuse!) Et il me répond « c’était… comme d’hab. » et je ne reçois pas beaucoup plus que cela … Je me souviens encore avoir aperçu Jesse, qui devait avoir alors environ 6 ans, regardant intensément dehors par la fenêtre de sa chambre pendant un long moment, pensif. Je lui demandai alors à quoi il pensait. Et il m’a répondu: «Eh bien, quand je vois une voiture, je pense:« une voiture ». Quand je vois une personne, je pense : « Une personne ». »
Avec mes amies, je peux parler facilement de tous les mystères de la vie. L’angoisse de se soucier d’une rechute. Les hauts et les bas de la vie quotidienne. Le stress de jongler avec les enfants de retour à l’école. Les joies du shopping. La confusion des relations.
Il existe un lien spécial entre amies cancer aussi – nous qui avons fait face au «dragon», et senti son souffle chaud planant sur nous (oh que c’était très descriptif, n’est-ce pas ? Comme si nous étions des amazones, parées d’armures étincelantes, brandissant nos épées au-dessus de nos têtes, tiraillées entre la peur et la fureur).
On pourrait penser qu’un groupe de femmes, liées par le cancer de leur enfant, serait un triste spectacle. Assises en demi-cercle, partageant nos histoires tristes en pleurnichant autour d’un thé, une boîte de kleenex à proximité. Eh bien, jusqu’ici, d’après mon expérience, c’est tout à fait le contraire! Remplacez ce thé par une bonne bouteille de vin rouge et nous sommes là, riant comme des folles alors qu’une maman raconte l’histoire du soir ou elle a amené une pizza en cachette, dans la chambre d’hôpital de sa fille, et s’est fait surprendre par une infirmière. Gardez le kleenex, on rit si fort qu’on pleure.
Ne vous méprenez pas. Derrière cette histoire de pizza il y a l’image réelle, gravée dans nos esprits, de la maman qui est restée au chevet de son enfant pendant des jours, les tubes de chimiothérapie et de médicaments anti-cancéreux suspendus au-dessus du lit, et puis le médicament anti-nausée, l’antidouleur, le médicament qui aide à surmonter la dépendance au médicament antidouleur, le médicament qui vous aide à dormir, rester éveillé, faire caca, ne pas faire caca, et, bien sûr, les médicaments pour minimiser les effets secondaires de tous les médicaments. La maman, qui est épuisée, affamée, apeurée, triste, et a décidé que, bon sang, elle va manger une pizza avec son enfant. La mère qui est folle de joie si son enfant est réellement prêt à manger une petite bouchée de nourriture.
Nous n’avons pas besoin d’elle pour expliquer tout cela, parce que nous l’avons tous vécu. Ce qu’il nous faut, la plupart du temps, c’est de rire. Et d’être ensemble.
Parce que, quand le dragon dresse sa tête féroce et commence à foncer vers vous, et que tout ce que vous avez c’est votre petite épée, il faut vraiment que tout le monde vienne en courant, avec ses petites épées. Parce qu’un dragon contre tout une équipe de femmes avec leurs épées, (et une pizza), est tout ce qu’il nous faut pour continuer à se battre. Et, peut-être, la plupart du temps, gagner la guerre.
Les amies-cancer c’est indispensables !! Qu’est-ce que ma mère aurait fait sans les autres mamans-cancer dans la même situation??!! Le partage des astuces, comment donner un médicament qu’on ne veut pas prendre parce qu’il est tout simplement pas bon ou encore l’astuce du brassard à tension qu’on met à la cheville plutôt qu’au bras parce que c’est plus agréable … Moi j’ai eu la chance d’avoir une maman qui me faisait à manger TOUS les soirs parce que la tête de mule que je suis, ne voulait tout simplement pas manger la nourriture de l’hôpital. Repas que j’ai partagé volontiers avec mes autres amis-cancer, mais aussi avec les infirmières qui rêvaient de manger les crêpes de ma mère et qui en ont eu droit parce que ma mère fait à manger pour un régiment !! Mais j’ai aussi eu mon infirmière, Camille, qui a réussi à m’apporter un Mac Do’ parce que l’envie était venue d’un coup ou encore une vraie pizza, d’une vraie pizzeria 😉 J’en connais peu comme elle qui ont fait se geste!! Et Nicole, quand tu veux, on prend un café ensemble et on discute 🙂
Oh je pense que j’aurais du parler un peu plus à ta mère au début du traitement d’Elliot pour avoir un peu des astuces! Et peut etre des crèpes! Oui volontiers un café ensemble une fois!
Comme à chaque fois en te lisant je passe du rire aux larmes aux yeux…
Tu décris juste tellement bien ce qu’on peu ressentir et vivre ! Merci…
Visiblement Rouge, MacDo et Pizza sont des éléments essentiel de notre monde parallèle pour bien des mamans-cancer…
Oui, quand on regarde en arrière, c’est ce dont on se souvient… parce-que il est tellement plus réjouissant de ce souvenir de ces moments là… Parce-que les moments de partages ne donnent pas la « boule au ventre »… parce-qu’ils permettent surtout d’enfouir les épreuves (Gripper, voie veineuse, anesthésie, sonde, etc, etc) dans les plus profond recoin de sa mémoire…
C’est probablement au même endroit qu’on essaye de cacher sa peur de la rechute, enfin je sais pas, je pense. La semaine dernière nous avons vécu notre dernier « bloc »… et c’est avec un grand sourire que je l’annonçait à tous le monde (ce n’est pas encore la fin du parcours mais une étape de plus…) et à chaque fois il y a toujours cette petit voix qui au fond de son esprit qui vous dit « le dernier, si tout va bien ». Que j’aimerais la faire taire…
Par ce message je voudrais aussi rendre hommage à certains Papa (dont ma moitié !) qui savent être autant présent que des Mamans. Présent à chaque bloc, à chaque chimio, passant « l’autre moitié des nuits dans une chambre d’hôpital »… parce-que ça existe… et que c’est très beau…
Voilà…
Au plaisir de bientôt se retrouver, non pas devant une tasse de thé ;.) mais devant une pizza et un bon verre de rouge, pour rire et « continuer » à se battre.
Bonjour Tania,
Merci pour le message! Oh oui, les papas, je pourrais écrire tout un autre blog sur ce sujet! Martin aussi a été là à chaque chimio, chaque radiothérapie, opération, chaque haut et bas. Il m’a soutenu et je l’ai soutenu. Il faut etre une sacrée équipe pour passer à travers ca! Je trouve que les hommes gèrent leur stress et leurs inquiétudes différamment, ils ont moins besoins de partager tout ca avec les amis. Ils le font, mais c’est différent.
Moi aussi, lors de la dernière chimio d’Elliot, j’ai dit « hourrah, la dernière! » (« si tout va bien… »). Mais il faut y croire.
A bientot, je me réjouis de te rencontrer en « vrai »!
Nicole
a chaque fois je m’imagine dans ces texte c’est ma vie!!!