Mon fils de 4 ans apperçoit une femme atteinte de cancer…

Je remarque à peine qu’Elliot n’a pas de cheveux. Par contre, je remarque les réactions des gens lorsqu’ils le voient, si nous sommes dans un restaurant ou un magasin, et que son chapeau tombe ou qu’il l’enlève, vu que ça ne le dérange pas. Parfois, les gens se retournent deux fois. Je ne suis pas toujours sûre de ce que pensent les gens. Je suppose que, en le voyant, vous devinez tout de suite qu’il s’agit d’un enfant cancéreux. Même si beaucoup d’enfants portent les cheveux très courts, voire rasés, il y quand même ces petits cheveux presque duveteux qui sont les signes révélateurs du traitement de chimio.

De temps en temps le sujet est abordé lorsqu’il est présent, mais ça ne semble pas le déranger beaucoup. Sa première réaction, suite à la perte de ses cheveux, était de dire combien il ressemblait à son père. Martin n’a jamais été si fier que, quand Elliot a vu son reflet dans un miroir, et a dit avec surprise : « Hé, je n’ai presque pas de cheveux! Je ressemble à papa! » Puis il a rigolé.

Franchement, il a été relativement peu touché par le changement de son apparence. Nous prenons soin, toutefois, lorsque le sujet est abordé s’il est là, de toujours dire quelque chose de positif à ce sujet. Il n’a que 4 ans et n’est pas encore très conscient de l’importance que les gens mettent sur l’apparence, mais, en même temps, il commence à comprendre l’importance d’être comme les autres.

Récemment, un ami était en visite et a commencé à dire qu’il lui semblait que les cheveux d’Elliot recommençaient à repousser, (un événement transitoire car il n’a pas encore terminés ses traitements de chimio. Parfois, on dirait qu’il a des petits cheveux comme de la mauvaise herbe puis une semaine plus tard, il est si chauve que le crâne brille) et Martin et moi avons repris automatiquement en chœur quelque chose comme: « Ouais, ça va repousser bientôt, mais en attendant, il est tellement beau avec ses grands yeux bleus. » Parfois, nous parlons de la belle forme de sa tête ou à quel point ses oreilles sont jolies. Et c’est la vérité ! En fait, nous trouvons que c’est un bel enfant. Donc, nous ne sommes pas en train de mentir ou d’exagérer la beauté de ses yeux, c’est juste une réplique habile, une façon de changer le sujet au positif.

Mais je ne pense pas que la question de la calvitie soit purement esthétique pour la plupart des personnes. Je crois que c’est plutôt un jugement instinctif sur la santé, pas sur la beauté. Les gens associent ce type de calvitie à la maladie. Et, pour être honnête, c’est souvent assez juste. Mais le fait est qu’il y a plein de fois, en dépit de ces cellules pourries nous causant des problèmes, qu’une personne atteinte d’un cancer ne se sent pas très malade.

Donc vu que mon enfant de 4 ans se sent parfois assez en forme, nous sortons parfois. Si sa formule sanguine est mauvaise je ne l’emmène pas là où il pourrait y avoir beaucoup de monde. Mais, parfois, nous allons au restaurant et dans les magasins, même au parc, si nous nous sentons particulièrement invincibles. Et, récemment, c’est là que j’ai commencé à les remarquer. Ou plutôt, le fait qu’ils ne soient pas là. Les autres. Les autres chauves comme mon fils. Je sais que selon les statistiques  le cancer chez les enfants est assez rare, donc rencontrer un autre enfant chauve sur le terrain de jeu est sans doute peu probable, mais le cancer chez l’adulte est vraiment très fréquent, relativement…

Alors, où sont-ils? Avant que je ne blesse quelqu’un, je vais être très humble et dire tout de suite, comme je l’ai dit à beaucoup de personnes, que si ce qu’Elliot a eu m’était arrivé, je serais tentée d’aller dans ma chambre et me cacher sous ma couverture pour en sortir deux ans plus tard. D’autre part, si je pouvais changer de place avec lui et avoir ce cancer stupide dans mon rein à sa place, je le ferais sans hésiter. Mais ce n’est pas possible.

Aujourd’hui,  nous sortons ‘à l’extérieur’ et je me demande où ils sont passés. J’aimerais tomber sur une personne chauve. Vraiment. Je veux dire, évidemment, j’adore les hommes chauves de toute façon, mais qu’est-ce que je voudrais voir une femme ou un homme portant un foulard ou un chapeau comme Elliot ! Ou tout simplement rien. Une tête nue, paradant fièrement en public à la vue de tous. Wow, ça, ça me rendrait heureuse !

Mais en général, nous ne voyons jamais d’autres combattants de cancers à l’extérieur. Jusqu’à hier. Et hop! J’en vois un. Nous sommes au centre commercial. Il pleut dehors et on s’ennuyait à la maison (combien de Legos faut-il pour construire la Tour Eiffel ? Je ne le saurai jamais…..).

Une femme arrive et s’assoit à côté de moi sur un banc près des enfants qui jouent. Elle a un long foulard en soie majestueusement enroulé autour de sa tête. Elle est pâle et peut-être un peu mince, mais elle a quand même bonne mine. Je ne dis rien, mais je suis secrètement excitée. Comment puis-je lui faire comprendre que je suis aussi de ‘ce monde’ ? Je maudis ma touffe de cheveux.

Elliot revient pour demander si nous pouvons acheter une glace. Il porte le chapeau de soleil bleu avec, sur le devant, une pieuvre (en passant, sachez que la pieuvre doit absolument être mise dans la bonne position ou une crise de larmes s’en suivra. La faute au cancer ou réaction normale d’un enfant de 4 ans? Quelqu’un pourrait me le dire ?)

Avec son chapeau, il est difficile de deviner qu’il est chauve. Il fixe la femme. Puis se tourne vers moi et me dit d’une voix d’au moins 10 décibels au-dessus de son volume habituel : « Hé, elle est chauve ». Je commence à avoir un peu chaud. La femme se racle la gorge. Elle le regarde et sourit doucement. Il prend cela comme une ouverture pour augmenter le volume de sa voix de 20 décibels environ, et lui demande : « Pourquoi VOUS n’avez pas de cheveux ?’’

Moi, je sais pourquoi il demande. Il veut discuter avec elle de la calvitie de la même façon dont il discuterait avec un ami à propos de Playmobil. La calvitie est familière pour lui. Si elle avait une cicatrice visible, il serait sans doute heureux de soulever sa chemise pour lui montrer celle qui s’étend à travers son abdomen.

Mais la femme ne le sait pas, elle pense juste qu’il est un petit garçon innocent avec une question innocente, et elle lui répond avec énormément de patience, et probablement d’entrainement : « Eh bien, je dois prendre des médicaments qui font tomber mes cheveux. Mais il repousseront ». Puis elle se lève lentement et part sous le regard loquace d’Elliot, qui semble se dire : ‘’Euh ouais… Ca je le savais déjà…’’

Et comme elle commence à s’éloigner, il lui crie: « Heureusement, vous avez de beaux yeux! »

Et elle se retourne et le fixe un moment.

Et je l’aime, mon fils.

Conseils pour les adultes atteints d’un cancer de la part d’un garçon de 5 ans

Voici un regard enjoué sur le cancer du point de vue de mon fils, Elliot, qui n’avait que 4 ans et demi au moment du diagnostic. Je sais que beaucoup d’adultes qui ont le cancer, ou qui aident une personne atteinte de cancer, comprendront !

1. Il est parfaitement acceptable d’avoir une énorme crise de nerfs et de jeter vos chaussures dans tous les coins juste avant de partir pour l’hôpital.

2. Vous méritez toujours un cadeau après la chimio.

3. Si vous préférez montrer plus de respect au clown de l’hôpital qu’à votre oncologue, c’est ok.

4. Si vous parvenez à soutirer la seringue à l’infirmière, c’est tant pis pour elle et vous êtes alors autorisé à gicler tout son contenu partout dans la salle.

5. Vous avez le droit de vous plaindre haut et fort si ça sent le parfum, mais vous êtes également autorisé à péter librement où et quand vous le voulez.

6. Celui qui dit « ça a le goût de sirop » a intérêt à ne pas être en train de mentir, sinon il se pourrait que vous leur crachiez dessus.

7. Vous êtes autorisé à vous soucier de la vie et la mort, mais seulement de la même façon que vous vous inquiétez de savoir si le Père Noël sera en mesure d’entrer dans votre maison si vous n’avez pas de cheminée.

8. En parlant de soucis, vous n’êtes pas autorisé à vous soucier de quoi que ce soit qui ne va pas se produire aujourd’hui ou demain.

9. Toute mauvaise chose qui est arrivée dans le passé, devrait être rapidement effacée de votre esprit en utilisant de la crème glacée.

10. Il est autorisé de vomir directement sur vos aides-soignantes plutôt que dans le seau. Une fois que tout est fini, elles garderont un souvenir rigolo de vous.

11. Les bons amis peuvent vous regarder quand ils vous voient sans cheveux, mais ils sont rapidement plus intéressés par tous vos nouveaux jouets. Donc, assurez-vous d’avoir beaucoup de nouveaux jouets tout le temps.

12. Si les mains du médecin sont trop froides, il est convenable de sauter de la table d’examen.

13. Une glace à l’eau pour le petit déjeuner est une bonne idée, et puis ça va bien avec le bacon.

14. Si quelqu’un vous caresse le crâne chauve et dit que vous êtes mignon, vous devez le fixer, le regard ennuyé, jusqu’à ce qu’il s’arrête.

15. Il faut toujours croire que les cicatrices sont des insignes de courage et vous font ressembler à un pirate, ou un super-héros.

16. Sauter sur le lit est une forme d’exercice tout à fait acceptable.

17. Quelqu’un doit toujours être disponible pour vous transporter si vous n’avez pas envie de marcher, et ils seront reconnaissants si vous les regardez avec amour et que vous dites: «Tu es mon esclave. »

18. C’est une bonne idée d’appuyer fréquemment sur le petit bouton à côté du lit.Il fait venir l’infirmière en courant, parce que peut-être qu’elle se sent seule et s’ennuie, et sera ravie de vous ramasser votre crayon parterre.

19. La seule alimentation hospitalière que vous devriez manger, c’est le dessert. Le reste n’est pas vraiment de la nourriture.

20. S’amuser tout le temps doit être votre priorité, peu importe où vous êtes et ce qui pourrait vous arriver par la suite.

 

Comment ne pas pleurer

Oui, j’ai parlé à son enterrement. J’ai écrit un texte que j’ai dit et redit à la maison et ensuite je l’ai lu, devant les centaines de personnes, à la cérémonie. J’ai détourné les yeux des personnes assises dans l’église devant moi, puis je me suis concentrée sur sa photo. Je lui parlais à elle , après tout , c’est pourquoi j’ai parlé directement à l’énorme image avec son petit visage souriant  sur l’autel , à côté des fleurs et des ours en peluche, des ballons et des jouets autour de la boîte en bois contenant ses cendres.

Je n’ai pas pleuré. Pas même un peu.

Et les gens disaient que j’étais forte. Certaines personnes ont laissé entendre qu’il y avait quelque chose d’anormal en moi. Un manque d’émotions ? Mon mari trouverait cela assez drôle. Chez nous, Martin doit toujours pré visualiser les films et émissions de télévision avant que je les regarde, au cas où ils étaient trop tristes et pénibles. Il me dit souvent  » Oh, j’ai trouvé une super nouvelle émission, mais ce n’est pas pour toi.  » En fait nous avons un système idéal de partage des tâches dans notre maison. En plus de vérifier si les films et émissions de télévision sont « à l’épreuve de Nicole », Martin fait également toutes les courses, met l’essence dans nos deux voitures, est en charge de l’approvisionnement en vin (c’est important, ça !), et a développé un système complexe pour mettre en ordre tous nos  documents afin de réduire la paperasserie inutile … (hé, attendez une minute, ce sont quoi tous ces papiers empilés autour de son ordinateur là-bas?) Moi, je prépare les repas avec la nourriture qu’il achète, je conduis ma voiture jusqu’à ce qu’elle avance que grâce à la fumée d’essence restante, je bois le vin, et j’ouvre le courrier. Cela semble assez juste, non?

Le fait est, je ne suis pas du tout une personne qui manque d’émotions. A l’intérieur, mes larmes coulaient comme les chutes du Niagara le jour de l’enterrement. Mais je les ai gardées à l’intérieur exprès, pas par un manque de sentiment.

Non, c’est juste que je n’étais pas là pour moi. J’étais là pour soutenir sa famille, et, dans ce rôle, la meilleure chose que je pouvais faire pour eux était d’être forte et retenir mes larmes.  Je devais donc m’assurer de ne pas pleurer. Comment ? C’est compliqué. Un équilibre délicat entre la concentration extrême sur ce que je faisais tout en évitant en même temps d’y penser. Vous avez peut-être remarqué que je n’étais pas vraiment très sociale ce jour-là, c’est parce que mon cerveau était trop occupé à faire des pirouettes… Parler aurait très probablement déstabilisé cet équilibre fragile.

Maintenant, le temps a passé. Je suis allée au cimetière quelques fois. J’ai ré-allumé les bougies et balayé la neige qui couvrait les ours en peluche, et je suis restée là un moment, à regarder le sol. Elle n’est pas vraiment là. Je ne sens pas sa présence, pas comme quand je suis au volant de ma voiture et j’entends une des chansons qu’elle aimait tant, là je la sens. Mais pas tellement au cimetière. La tombe c’est un lieu sur cette terre pour une personne qui n’est plus sur cette terre. La tombe c’est pour nous. Alors j’essaie de la rendre jolie. Mais je ne pense pas que Zoé resterait très longtemps par-là, de toute façon, il n’y a pas assez de jouets. L’autre jour, il y avait de la belle neige qui recouvrait tout, elle aurait aimé ça, je pense, Zoé. Je parie qu’elle aurait ri comme une folle et qu’elle aurait couru et dansé partout dans la neige, et qu’elle se serait couverte de flocons blancs sans se soucier de quoi que ce soit.

J’avais oublié mes gants ce jour-là et j’ai donc balayé la neige pour l’enlever des peluches et des fleurs avec mes mains, et je n’ai pas senti que mes doigts gelaient. Je n’ai pas remarqué que mes mains faisaient mal jusqu’à ce que je me retrouve dans la voiture, plus tard, et qu’ils ont commencé à dégeler. Alors peut-être je ne suis pas sans émotion, mais juste engourdie ?

Non, ce n’est pas ça. C’est juste que je ne montre pas mes émotions. En fait, je sens une immense tristesse et beaucoup de colère à la pensée que Zoé soit morte. Oui, là, je l’ai dit. Je sais que nous sommes censés dire des choses comme Zoé est  « partie » ou  » disparue  » ou « est allée dans un meilleur endroit. “ Ça semble moins dur, moins bouleversant, de ne pas utiliser le mot « morte » peut-être? Mais c’est ce qui s’est passé. Elle est morte et c’est totalement, complètement injuste et ça fait mal. Mais ce n’est qu’un mot. Qu’on dise « partie » ou « morte », il s’agit de la même chose. Elle est morte et nous ne le sommes pas, donc nous restons ici avec ses peluches et ses jouets. Et elle, elle est ailleurs, et je parie qu’elle s’amuse probablement beaucoup là où elle est. Parce qu’elle n’était tout simplement pas le genre de personne qui s’arrêterait de s’amuser pour s’inquiéter de la différence entre les mots  » mort  » et « parti  » ou qui prendrait le temps d’évaluer s’il faut pleurer aux enterrements ou pas. Je parie que si Zoé avait survécu, elle serait devenue cette sorte d’adulte qui oublie toujours de mettre de l’essence dans sa voiture et qui conduit juste grâce à la fumée d’essence restante, parce qu’elle aurait eu trop d’autres choses amusantes à faire. Et peut-être que c’est pour ça que c’est tellement dur, parce que nous n’aurons pas la chance de partager ces moments avec elle. J’aurais tellement aimé avoir  la chance de me retrouver coincée au bord de la route à cause d’une panne d’essence avec Zoé-adulte.

Mais je pense quand même qu’il doit y avoir une leçon à tirer de tout cela (à part  la pensée soudaine qui m’envahit quand j’ai écrit cette dernière phrase, que peut-être certaines personnes sont nées sans la capacité de remarquer le niveau d’essence de la voiture , ce qui signifie que les pannes d’essence ne sont en fait pas de ma faute , mais causées par une véritable prédisposition génétique ) .

Vous pourriez dire que la leçon à tirer est de vivre dans le moment présent et apprécier tout le temps que vous avez ensemble parce que vous ne savez jamais quand il pourrait finir. Et ce serait vrai. Mais j’ai essayé de vivre comme ça, et il faut une énorme quantité d’énergie pour vivre toujours dans le moment présent. Et il n’est simplement pas toujours possible de ne penser qu’au moment actuel, parce que parfois vous avez besoin de planifier votre l’avenir. Par exemple, chez nous, si je ne pensais plus du tout à l’avenir et je choisissais de ne vivre que dans le moment actuel, nous aurions souvent besoin de manger de la viande crue. La plupart des enfants chez moi porteraient des vêtements qui sont sales et plusieurs tailles trop petites. Mes grands garçons porteraient des chaussures qui ont des trous à l’avant pour que leurs orteils puissent dépasser. Je ne serais pas en mesure de voir mon mari à son ordinateur, derrière les piles de papier et les choses qui l’entourent. (Hé, attendez une minute … c’est déjà comme ça !) Et bien sûr, si je ne pensais jamais à l’avenir je serais probablement assise ici, enceinte de mon 25ième enfant. (Oh j’ai presque eu une petite crise cardiaque rien qu’à cette pensée.)

Donc non, je ne peux pas vivre tout le temps dans le moment actuel. Et malgré le fait que  j’apprécie le temps que je passe avec les personnes que j’aime,  parfois j’aime  également être seule.

Alors, c’est quoi la leçon ? Zoé, tu m’entends là ?? Un conseil? (Je sais que c’est une chose ironique à écrire parce que  Zoé ne savait pas encore lire, et que j’ai eu cette pensée en anglais, langage qu’elle ne parlait pas. Mais j’aime à penser que quand elle a quitté son corps, elle est devenue une intellectuelle polyglotte, qui lit et comprends plusieurs langues.  Pourtant je pense toujours qu’elle est à court d’essence dans sa voiture là-bas. Certaines choses ne peuvent pas changer. )

Ah, la réponse m’est apparue. Une pensée envoyée « d’en haut  » ou tout simplement la réponse logique à ma question ? Qui sait.

Le « fun ». Zoé a toujours choisi de s’amuser avant toute autre chose. C’est ça la leçon.

photo (88)

On dit que la vie n’est pas mesurée par le nombre de respirations que vous prenez, mais par le nombre de moments qui vous couperont le souffle. Alors, peut-être, je n’aurai pas la chance de me promener avec Zoé dans une voiture sans essence (pourquoi ai-je cette image de  Thelma et Louise dans cette description ?) Mais je me suis quand même amusée avec elle, je suis même fière de dire qu’une fois elle a insisté pour venir chez moi pendant que sa mère avait un rendez-vous. Et nous nous sommes bien amusées.

A la fin, on regrettera probablement que les choses que l’on n’a pas faites, et non pas les choses qu’on a fait. Donc, tant que nous sommes encore ici, vivons comme Zoé,  et choisissons de nous amuser.

Quand je serai partie, j’espère que quelqu’un viendra sur  ma tombe et s’en occupera. Mais je ne serai pas là. Pas assez de jouets.

C’est dimanche, le jet d’eau en OR pour les enfants atteints de cancer!

Le cancer des enfants:
-En Suisse, il y aura entre 250 et 300 nouveaux cas d’enfants atteints de cancer à chaque année.
-1 sur 4 ne survivra pas à son cancer
-la durée du congé parental n’est que 3 jours, pour des traitements qui durent des mois ou des années
-certains médicaments prescrits par des médecins ne sont toujours pas pris en charge par l’assurance maladie de base (meme certaines chimios)
-il y a trop peu de fonds alloués à la recherche sur les cancers pédiatriques comparés aux autres maladies infantiles et adultes

PARLEZ EN! PORTEZ VOTRE RUBAN JAUNE! Venez nous soutenir, vers 19h dans les jardins anglais face au jet d’eau illuminé en OR! Lancer de ballons vers 19h30!jetperfect

Le Jet d’eau sera en OR le 22 septembre pour le cancer des enfants!!

jeatdeaufr

 

Septembre , c’est le mois du cancer de l’enfant !
Le cancer qui reste la première cause de mortalité après les accidents est représentée par la couleur jaune-or. Parlons en, portez vos rubans dorés, et nous essayons de sensibiliser les gens. A certains endroit des monuments ont déjà été ou seront illuminés en dorés. Ca sera le cas du jet d’eau de Genève le 22 septembre au soir. Venez nombreux assister à cet événement !

 

N’en avez-vous pas marre d’entendre parler de cancer tout le temps ?

Récemment, la mère d’Erin Griffin, Amanda, a écrit sur Facebook qu’Erin a été diagnostiquée avec DIPG l’année dernière, une sorte de tumeur cérébrale. Erin raconte son histoire dans cette courte vidéo produite par ‘The truth 365’, une association qui a pour but de sensibiliser le public au sujet du cancer des enfants. La voici qui raconte son histoire:

Ça vaut la peine de regarder cette vidéo, elle ne dure que 35 secondes- allez-y, regardez-la, je vous attends !

Sacré petite nana, non ? J’adore son accent.

La mère d’Erin est très active dans la sensibilisation sur le manque de financement pour la recherche pour le cancer infantile, en particulier le DIPG, dont le traitement n’a pas vu d’amélioration en 30 ans. Il n’existe aucun remède. Le taux de survie sur 2 ans est inférieur à 10%, avec une espérance de vie de 9 à 12 mois. Oui, je sais, vous êtes en colère parce que je vous ai poussé à regarder la vidéo. Et parce-que, comme moi, vous êtes tombé un peu amoureux de cette enfant pendant qu’elle parlait. Vous avez pensé : waow, elle est super! Le cancer n’est pas si terrible! Et maintenant, vous pensez que je vous ai trompés, car c’est vrai, le cancer c’est nul. Mais il y a une raison à tout ça.

Amanda, la maman d’Erin, a beaucoup écrit sur le cancer, au sujet des enfants atteints de cancer, à propos de la recherche pour le cancer infantile et de nos enfants … qui ont eu ou qui ont un cancer. À propos de nos nouveaux amis dans le monde du cancer et des enfants qui luttent encore, comme la petite Zoé, qui a 4 ans et qui est soignée dans le même hôpital que mon fils Elliot, et qui lutte contre sa troisième rechute de neuroblastome (vous pouvez suivre Zoé ici et je n’ai pas fini d’en parler !)

Une des amies d’Amanda s’est récemment plaint sur Facebook à propos de la fréquence de ses messages sur le cancer des enfants: ‘’Je trouve le rappel constant du cancer infantile trop lourd ; oui, mes enfants vont bien mais je ne peux pas culpabiliser, désolée!  »

Lorsque j’ai lu ce commentaire, j’ai eu un sentiment de malaise. Parce que je sais que je suis comme la maman d’Erin. Et jusqu’à présent, aucun de mes amis n’a eu cette réaction. Je sais que j’ai énormément de chance d’être entourée de personnes qui me soutiennent réellement. Mais je me demande si certains d’entre vous en ont marre de mes histoires basées sur le cancer ?

Si oui, je peux vous confirmer que j’en ai marre aussi !!!!  Il faut que ça s’arrête! Mais au lieu de faire taire les mamans qui s’expriment, arrêtons le cancer !!

Une fois que vous entrez dans le monde du cancer, il n’y a pas de retour en arrière. Vous ne pouvez pas oublier et revenir à votre vie ‘d’avant’. Même pour ceux qui sont entrés dans ce monde avec moi ; votre vie n’a peut-être changé que très légèrement, mais vous ne pouvez pas revenir en arrière.

Est-ce que la mère d’Erin essaie de faire culpabiliser son amie parce que ses enfants vont bien ? Vraiment?? La vérité est que son amie est dans le déni ; elle ne veut pas entendre parler de cancer parce qu’elle veut conserver l’illusion que ça ne peut pas lui arriver, à elle ou à ses enfants. Si elle peut s’accrocher à cette illusion, elle peut éprouver de la pitié pour Erin et sa mère et les autres enfants dont elle ne veut pas en entendre parler. Mais ce n’est pas son problème, car ses enfants vont très bien et qu’elle n’a aucune culpabilité quant à leur bonne santé.

Voici une information que je ne connaissais pas avant non plus: le cancer est la principale cause de décès par maladie des enfants. Mon fils a eu un cancer et est en rémission, parce que nous avons eu de la chance et parce qu’il y a un traitement pour son cancer, et cela, grâce à quelqu’un (voir mon blog sur Sydney Farber) qui se souciait assez pour continuer à chercher. Le cancer d’Erin n’a pas de remède, mais il y a des personnes qui continuent à chercher. Nous devons soutenir ces personnes. Dans les années 1950, le New York Times a refusé d’imprimer une annonce pour un groupe de soutien du cancer du sein. Le sujet était trop déplaisant. Et en plus, il y avait ‘le’ mot (vous vous demandez peut-être, est-ce le mot ‘sein’ ou le mot ‘cancer’? Moi aussi!) A l’époque la plupart des femmes ayant un cancer du sein mouraient. Maintenant, le taux de survie est de plus de 85% et le ruban rose est fièrement porté. Octobre étant le mois de la sensibilisation internationale au cancer du sein, les principaux monuments sont éclairés en rose. Ne vous méprenez pas, c’est tellement génial que ça me donne envie de sauter de joie.

Ça me fait penser à une citation de Margaret Meade: « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde ; en effet, c’est la seule chose qui n’ait jamais marché. » Mais le cancer infantile reste dans l’ombre et peu d’argent est consacré à la recherche. Les médicaments comme la Ritaline, pour les enfants atteints de TDAH, obtiennent plus de financement que le cancer. Je pense que nous pouvons inverser la tendance.The truth 365,’ qui a fait cette courte vidéo d’Erin, a également produit un documentaire choc que vous pouvez visionner ici et qui vient de remporter TROIS Emmy Awards! Les gens commencent à se dire que oui, le cancer c’est nul mais il y a quelque chose à faire!!! Ensemble, nous pouvons changer l’image du cancer des enfants : au lieu d’être un sujet déplaisant et dérangeant, il faut en parler et le vaincre ! Rappelez-vous, les maladies bactériennes telles que la pharyngite streptococcique tuaient BEAUCOUP de personnes, puis quelqu’un a inventé les antibiotiques! Et maintenant, nous n’y pensons même plus : comment est-ce qu’une chose aussi horrible qu’une bactérie peux nous vaincre ??

Est-ce triste et tragique que le cancer ait attaqué nos enfants? Oui. Mais nous ne voulons pas que vous soyez tristes. Je ne veux pas de pitié, aucun d’entre nous ne veut de la pitié. Je veux votre soutien. Nous devons sensibiliser le public et soutenir la recherche. Pourquoi? Parce que ça pourrait vous arriver. Pendant que vous lisez ce texte, un enfant de plus est diagnostiqué. Une famille de plus entre dans le monde du cancer. À un moment ou à un autre, ça va se rapprocher de vous. Je remercie ma famille et mes amis. J’apprécie la façon dont vous m’avez soutenue en me donnant un sentiment de ‘force’. C’est pour ça que je pense que nous allons réussir. Une des priorités pourrait être un remède pour le DIPG, par exemple.

Ne plaignez pas Erin. Écoutez-la. Et rejoignez  la cause; sans culpabilité et sans pitié, uniquement parce que c’est la bonne démarche. Transformons le mois de septembre en or cette année pour soutenir la sensibilisation à la lutte contre le cancer des enfants.

Le grondement silencieux qui s’est transformé en un rugissement.

Allons-y pour l’OR en  Septembre.

.

Cet article parle de la vie et de la mort,de l’espoir, de la joie et de la tristesse… Mais aussi de la force, de la capacité de se relever quand on tombe, afin de continuer à se battre.

Cet article est dédié à la mémoire d’Adam.

Comme je l’ai mentionné dans ma dernière  publication, septembre est le mois de la sensibilisation au cancer infantile. La plupart des gens dans la communauté du cancer de l’enfant sont conscients de cela, mais, en dehors de notre « Monde », peu de gens connaissent le ruban d’or.

On le connait peu, au contraire du ruban rose.  Aujourd’hui, le mois d’Octobre est bien connu en tant que mois de la sensibilisation au cancer du sein, il y a des rubans roses partout (et je vais très certainement en porter fièrement un!).

La Maison Blanche est illuminée en rose, durant ce mois, pour soutenir cette cause. D’autres monuments et sites virent  également au rose aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Australie, dans le monde! Pour une cause qui était si silencieuse, il y a quelques années, c’est étonnant. Et c’est cette conscience qui a poussé la recherche, qui a fait qu’aujourd’hui beaucoup de femmes survivent à ce type de cancer.

Cette année, un groupe de parents a demandé au gouvernement américain d’illuminer en or la Maison Blanche en Septembre, pour les enfants atteints de cancer. D’autres groupes, comme « Une journée en jaune et en or », ont réussi à obtenir qu’on illumine en or  plusieurs monuments et lieux historiques et fameux: les chutes Niagara, la Tour CN à Toronto, le pont Zakim, l’immeuble Prudential, le quai Atlantique à Boston, le cuirassé New Jersey, le pont Ben Franklin à Philadelphie, le pont Liberty Bridge en Caroline du Sud. Ils ont aussi obtenu le soutien de grandes équipes sportives et de personnalités sportives qui porteront le ruban d’or. Et ils ont bien d’autres actions en vue. En Australie, le soutien à la « GO GOLD AUSTRALIA », en septembre, se développe comme une traînée de poudre.

Il y a un mouvement en cours … Un mouvement qui a commencé comme un grondement silencieux, et a grandi,  grandi, et fait maintenant un grand fracas … Nous, les gens de la communauté du cancer de l’enfance, crions afin de nous faire entendre! Nous voulons colorer le mois de septembre en OR,  nous voulons sortir le cancer infantile hors de la quiétude silencieuse et le placer sous les projecteurs!

Il y a quelques jours, Adam, un garçon dont j’ai parlé dans quelques autres articles,  est décédé de son cancer. J’avais été en contact avec son père à plusieurs reprises pour des renseignements sur les traitements de neuroblastome au niveau international, pour Zoé, la fille de mon amie (www.zoe4life.org). Mais, surtout, j’ai lu le blog de son père, en espérant toujours, malgré tout, qu’ils pourraient sauver Adam. Mais sa bataille ne pouvait être gagnée.  Je fus d’abord accablée de tristesse quand j’ai vu sa belle photo, toujours en vie et en bonne santé,  se dirigeant vers l’école. L’injustice est si amère que je peux la goûter.

Mais je veux croire … non, j’ai BESOIN de croire que, si ce garçon était né aujourd’hui, nous pourrions le sauver, cette fois. Nous pourrions trouver un nouveau traitement avant même que le cancer ne le frappe.

Mais qui suis-je pour essayer de réparer le monde, moi, si petite, dans mon petit coin de Suisse? Que puis-je faire?

Mais, attendez. Je peux au moins essayer. Or en septembre? Ok. Laissez-moi réfléchir un peu.

Je vis dans la partie francophone de la Suisse, entre Genève et Lausanne. Quel genre de monument est emblématique de notre région? Que pourrions-nous, ici, dans notre coin du monde, transformer en  or, pour soutenir la conscience du cancer de l’enfance?

Quel symbole de cette région du monde est connu et reconnu au niveau international?

Jet-deau1

Eh bien … Je m’assois, et je réfléchis un peu. Je tape mes ongles nerveusement sur la table comme si ça pouvait  m’aider à réfléchir. Une idée folle. Il n’y a aucune chance pour que ça marche, ils ne vont surement pas dire oui. Ça ne sert probablement à rien d’essayer …

Le Jet d’eau, à Genève, est un monument historique. Il existe depuis 1886, on peut le voir de loin, même depuis  des avions volant  à 10.000 mètres d’altitude.

Et ils l’éclairent la nuit.

Et si je leur demandais de l’illuminer en or en septembre? Au moins pour une journée?

Non, je pense, je m’égare là, pourquoi feraient-ils cela pour moi? (Oui, j’ai souvent des conversations avec moi-même. Hier, par exemple, j’ai réalisé que je n’avais étrangement pas stressée à l’approche du prochain scan d’Elliot, celui d’une année post-traitement. Ensuite, je me suis dit que, dans le passé, j’ai toujours été très stressée, et tout s’est bien passé. Alors, est-ce que  ça veut dire que, cette fois, les résultats seront mauvais? Alors oui, maintenant, je suis stressée. Ouaip, c’est vrai, je suis devenue l’instigatrice de mon stress.)

Mais bon, je suis aussi une éternelle optimiste.

Alors je me suis dit (pas à haute voix) « Pourquoi pas ? La pire chose qu’ils puissent faire, c’est de dire non, pas vrai? « (Eh bien, en fait, la pire chose qu’ils puissent faire est de rire hystériquement  et se moquer de moi en publiant ma photo dans le journal local avec le titre « Femme canadienne perd l’esprit dans notre Suisse si calme et conventionnelle »).

Très bien. Je vais le faire quand même. Pour Adam, qui n’a pas pu être sauvé. Et pour le bébé né aujourd’hui, qui n’est même pas encore diagnostiqué. Et pour tous les enfants de l’hôpital de Genève, à quelques pas du jet d’eau. Et pour tous les enfants de l’hôpital de Lausanne, où je serai lundi avec mon fils, stressée. Le CHUV à Lausanne, où j’étais la semaine dernière, assise  sur une terrasse ensoleillée, avec vue sur le lac et le jet d’eau à l’horizon. La maman de Zoé et moi, assises côte à côte, buvant notre café, en essayant silencieusement de digérer les mauvaises nouvelles des examens de sa fille. Et je vais le faire aussi pour cette autre maman, qui s’est jointe à nous, épuisée, après plusieurs nuits au CHUV au côté de son fils, qui lui a un des « bons cancers », une leucémie avec pronostic de 80% de chances de guérison, mais qui doit se battre pour survivre à une infection massive causé par le traitement… Je peux au moins essayer de faire quelque chose. Nos enfants ont besoin d’une voix.

Alors, j’ai cherché quelles personnes  contacter afin de leur faire ma demande, celles en charge du Jet d’eau. Il a fallu faire un peu de recherche. J’ai enfin découvert la personne qu’il fallait contacter. Et j’ai préparé ma requête. En fait, j’ai dû répéter ma requête plusieurs fois, puisque je n’étais  toujours pas en contact avec la bonne personne.

Mon discours n’avait rien de très spectaculaire. Fondamentalement, je leur ai dit que j’avais un enfant qui avait eu un cancer, et qu’il est en rémission, et que ça avait été la pire expérience de ma vie, et que de nombreux parents d’enfants atteints de cancer aimeraient être aussi chanceux que moi … Et que je voudrais vraiment vraiment qu’ils illuminent  le jet d’eau en or pour au moins un jour en Septembre.

Et devinez quoi.

Ils ont dit oui.

ILS ONT DIT OUI !

Donc, si vous pensez que je vais m’arrêter là … Pas question. Colorons le mois de septembre en OR. Que pouvons-nous faire d’autre?

Pour soutenir la famille d’Adam et la recherche sur le neuroblastome: 

http://www.justgiving.com/AdamBirdAppeal

 

La peur, la chance… et le marathon de Boston

photo (66)

C’était le matin du mercredi, 16 avril, 2013.

Aujourd’hui, nous allons plus tard à l’hôpital pour qu’on nous annonce les résultats du bilan de contrôle pour Elliot. Il agit et parait complètement normal, à l’exception de ce qui est probablement un rhume des foins, nez qui coule, de la toux et un peu d’asthme. La toux et l’asthme, ça m’inquiète toujours, parce que ce que nous allons découvrir aujourd’hui, au fond, c’est le résultat des tests qui nous diront s’il y a des métastases aux poumons, car c’est là que les rechutes se manifestent, souvent, surtout chez les enfants qui avaient, au début, beaucoup de métastases aux poumons.

Nous sommes allés faire tous les tests  lundi, il y a 2 jours, et nous retournons aujourd’hui, deux jours après, pour qu’on nous annonce les résultats. C’est toujours comme ça, tous les trois mois. Ainsi, le mardi entre les deux, est un peu une catastrophe de stress et d’espoir, pour moi et Martin. Malgré que le temps passe, le stress est toujours là.

Et hier, pendant notre mardi de catastrophe, les grandes nouvelles qu’on entendait partout étaient les informations concernant le Marathon de Boston… les explosions. J’ai lu les infos comme tout le monde, choquée…  Hier, et encore ce matin, je lis ça, suis assise dans ma cuisine, calme, en attendant que les minutes passent pour pouvoir partir pour l’hôpital. J’en ai lu un peu plus, au sujet du jeune garçon de 8 ans qui est décédé.

Ma première réaction fut de penser : Non ! Je ne peux pas penser à cela, je ne veux même pas le savoir, surtout aujourd’hui, c’est juste trop pour moi à gérer. Mon niveau de stress est déjà assez élevé en ce moment, je sentais que je pouvais craquer d’un moment à l’autre, à cause de l’angoisse de cette attente.

Mais j’ai lu quand même. J’ai vécu pendant des années à Halifax, ville qui a un lien spécial avec Boston grâce à l’aide des Bostoniens, après l’explosion de Halifax de 1917. C’est un lien historique que le reste du monde ne connait peut être pas. Chaque année, depuis 1917, Halifax envoie, pour Noël, l’un des plus grands sapins comme cadeau de remerciements à Boston. Ce  sapin est l’arbre de Noël officiel de la ville  et reste allumé sur le Boston Common tout au long de la saison des fêtes.

Mais, de toute façon, me voici assise ici, le tic-tac de l’horloge qui me rappelle ce que j’attends, le stress qui chauffe à l’intérieur de moi comme de la vapeur dans une bouilloire, les minutes qui passent lentement jusqu’à ce que nous pouvons partir pour notre rendez-vous avec l’oncologue d’Elliot, celui qui nous dira si Elliot rechute. J’ai toujours tendance à sentir un peu (beaucoup) l’injustice de notre situation dans des moments comme celui-ci, comme, pourquoi NOUS, pourquoi est-ce que  nous  devons passer par là, pourquoi Elliot, ce n’est pas juste.

Et là je m’arrête un peu… Et je pense à ce petit garçon de 8 ans, à Boston, qui se trouvait avec sa famille sur la ligne d’arrivée,  exactement, précisément AU mauvais endroit AU mauvais moment, souriant, alors qu’il voyait son père arriver en courant, heureux.

Et je pense à mon fils de 6 ans, Elliot, qui n’a probablement pas rechuté, mais peut-être, et nous le saurons bientôt.

Et vous savez quoi? Soudain, je me rends compte que, même si le cancer c’est la merde, c’est vraiment vraiment la merde, tellement que parfois on a mal partout d’avoir pleuré et d’avoir crié, même si c’est dur et horrible, au moins… au moins… Elliot a une chance. Même s’il rechute, il aura encore une chance de se battre. Il aura une chance d’avoir un peu plus de temps avec nous, nous avec lui, et de profiter de la vie. D’apprécier le temps que nous avons ensemble, peu importe combien long ou court il sera.

Ce petit de 8 ans n’a pas eu cette chance. Sa vie est passée d’un moment de joie qui brille lumineux comme une étoile, à rien, en un éclair.

Donc, je suppose qu’aujourd’hui je devrais me rappeler que je suis une maman qui a de la chance. Je vais à l’hôpital avec mon petit garçon, neuf mois après la fin du traitement pour son cancer pédiatrique de stade 4. Et j’ai de la chance.

Je pense que nous devrions tous nous rappeler que nous avons de la chance aujourd’hui, peu importe ce que nous devons subir. Faisons que notre objectif aujourd’hui soit : être conscient de la chance que nous avons. Apprécier. Remercier. Et profiter du temps que l’on a.

Les minutes se sont écoulées. Il est  temps de partir au rendez-vous. Grosse inspiration. On y va.

La pluie et le beau temps

clouds

Dernièrement, quelques amies m’ont dit qu’elles étaient  tristes, qu’elles n’avaient pas le moral. La vie prend parfois une étrange tournure, inattendue, et on perd vite l’équilibre, on se demande ce que l’on a fait pour mériter cela.

Le fait qu’il pleuve et qu’il fasse froid dehors n’aide certainement pas, et toute la semaine dernière le soleil est resté caché derrière les nuages. Nous nous promenons dans la lueur grise et pâle du jour, comme des fantômes qui flottent au milieu des ombres, tout autour de nous est recouvert de couleurs fades et nuageuses.

Une journée comme celle-ci fond facilement dans la prochaine, si quelqu’un me demandait ce que j’ai fait mardi dernier, je ne me rappellerais pas d’une différence entre mardi et mercredi. Peut-être n’y en avait-il pas.

Avez-vous jamais réfléchi à votre passé, en vous imaginant lorsque vous étiez adolescente, et en souhaitant que vous pourriez l’avertir, cette ado? La mettre en garde? Ou, au moins, lui donner un indice? Moi, si. Je pense parfois à elle et je me dis … elle n’en sait rien encore! Elle pense innocemment qu’elle va rencontrer l’amour de sa vie l’année prochaine, se marier dans un château et avoir plusieurs enfants parfaits, une carrière intéressante qui donne un sens à sa vie, avoir un cercle d’amies proches qui sont rigolotes et cools (probablement appelés Phoebe , Monica et Rachel, ou quelque chose comme ça) et vivre une vie passionnante et aventureuse, laissant une marque sur le monde quand elle décède enfin à un âge avancé, ses nombreux admirateurs se réunissant afin d’organiser une grande fête célébrant sa vie.

Mais… Elle n’a aucune idée de ce qui l’attend, cette ado !!!

Elle n'a aucune idée de ce qui l'attend !

Elle n’a aucune idée de ce qui l’attend !

Où et quand ce plan a t’il commencé à dérailler? Était-ce un changement lent, un déplacement silencieux et progressif du chemin, ou un coup, un flash rapide, comme de la foudre dans les yeux, l’aveuglant avec sa lumière blanche et brillante, l’obligeant à chercher la route à l’aveuglette, les mains tendues devant elle, en tentant de deviner où elle allait?

Et le plus important, la question : était-ce censé être comme ça?

J’ai trouvé une photo d’Elliot récemment. Elle a été prise pendant les vacances au Danemark, environ 6 semaines avant son diagnostic. Il est debout sur la plage, les pieds dans l’eau, un grand sourire sur son visage. Nous avions enlevé ses vêtements mouillés,  il est juste dans son petit slip, pas de gêne bien sûr à quatre ans, il lève les bras, heureux.

Si je regarde vraiment bien la photo, je peux voir la bosse sur le côté inférieur droit de l’abdomen. La bosse qui s’est avérée être une tumeur. La tumeur qui était cancéreuse. Le cancer qui s’est propagé à ses poumons, ce qui en faisait un stade 4 lors du diagnostic.

Et si je l’avais remarquée à l’époque? Six semaines, ça aurait fait une différence? Il n’y aurait peut-être pas encore eu toutes ces métastases? Mais non, on ne peut pas revenir en arrière, je ne peux pas remonter le temps et trouver la bosse plus tôt.

Mais si je ne l’avais pas trouvée quand je l’ai fait? Et si je ne l’avais pas remarquée, même 6 semaines plus tard?

Ces questions pourraient me hanter. Mais, heureusement, je ne me casse pas la tête avec ça. Je sais que ça ne sert à rien d’analyser tous les «et si».

Mais parfois je me demande si le chemin de nos vies est fixé d’avance, ou si nous avons un contrôle sur nos destins. S’il y a un sens.

J’aime croire que j’ai un certain contrôle sur ma vie. Ok franchement, je suis une maniaque totale du contrôle. Je pense secrètement que je suis la meilleure à tout, surtout tout ce qui est important… (Un petit mot pour les critiques: mettre de l’essence dans la voiture n’est pas sur ma liste « importante »).

Donc, il est difficile pour moi de lâcher prise, et d’accepter que tout n’est pas sous mon contrôle …

Je suppose que cela fait que je suis une Monica. Hé, qui d’entre mes amies est sûre qu’elle, c’est Rachel?

friends

Donc, à ces moments-là, lorsque certaines de mes amies se sentent un peu tristes, je me dis que je devrais être capable de régler le problème. Monica peut tout faire! Elle peut nettoyer l’appartement et préparer douze lasagnes et analyser la vie amoureuse de son amie et  boire un café et garder un look d’enfer, tout ça en même temps. Et elle est seulement légèrement énervante en le faisant. Alors, pourquoi je ne peux pas résoudre tous les problèmes du monde, ou au moins tous ceux de mes amies?

Eh bien, je pense que, peut-être, juste peut-être, je dois admettre que … certains problèmes sont en fait hors de mon contrôle … Déjà je dois admettre que… je ne peux pas arrêter la pluie. C’est presque poétique, comme réflexion.

Et que dire de tous mes autres rêves? Oui, j’ai finalement rencontré le prince charmant, même s’il  m’a fallu quelques décennies de plus que prévu. Nous nous sommes mariés à la mairie … un édifice qui pourrait être assez vieux pour être considéré comme un château, d’après moi … Mes enfants sont vraiment parfaits (ok, peut-être que ce serait bien si je ne me sentais pas grincer des dents à chaque fois que je dois entrer dans leur salle de bain …) Ma vie est certainement passionnante et pleine d’aventures, bien que la plupart  des mamans-cancer seraient d’accord avec moi pour dire qu’un peu moins d’excitation pourrait être sympa … Hmmmm. Suis-je réellement la victime de mes propres désirs? N’y a-t-il pas là un vieux proverbe chinois qui dit: « attention à ce que vous souhaitez, cela pourrait se réaliser? » Y a-t-il un sens à ma vie?

Ma vie est-elle une version moins effrayante de cette vieille histoire de suspense par WW Jacobs, ‘ La patte du singe’, dans laquelle les désirs d’une personne sont accordés, mais avec des conséquences inattendues? La vie est-elle juste une série d’actes aléatoires, ou est-ce tout ce que vous faites et pensez affecte quelque chose d’autre?

Ca me rappelle de cette histoire du papillon qui fait assez de vent avec ses ailes pour provoquer un cyclone dans une autre partie du monde…

La fille d’une amie vient tout juste de terminer son traitement pour la leucémie. Pour ceux qui ne font pas partie du monde du cancer, ou du moins pas du monde de la leucémie, sachez que le traitement de la leucémie la plus courante, (LLA), prend environ deux ans et demi pour une fille (plus pour les garçons). C’est une énorme partie de votre vie, sans parler de la vie de votre enfant! En fait, la fille de mon amie a pour l’instant passé plus de temps de sa vie en suivant des traitements que en vivant une vie ‘normale’. De dire que ce fut une période difficile n’est même pas près d’être en mesure de décrire ce que les parents et les enfants leucémiques doivent éprouver. Moi, je pensais que les 10 mois de traitement d’Elliot étaient interminables, imaginez des années! Et parce que les traitements sont longs, l’immunité est souvent faible pendant de longues périodes de temps, et donc les enfants sont souvent limités dans les activités auxquelles ils peuvent participer. Ils ne peuvent pas aller à l’école, les amis leur manquent, ils ne peuvent pas participer aux  fêtes, aux activités en groupe, aux évènements, en fait, ils évitent tout risque d’attraper quelque chose … La famille vit dans une bulle, dans une «monde parallèle».

Et ça, c’est quand tout va bien.

Souvent, malgré toutes ces précautions, un enfant leucémique va quand même attraper un virus, des bactéries ou des champignons. Si si, il y des champignons appelés des aspergillus, qui causent une maladie qui s’appelle une aspergillose. J’ai cherché un peu des infos sur le net concernant cette aspergillose parce que j’étais curieuse de savoir quel était le risque pour Elliot quand il était en traitement … Et bien ces champignons, ces aspergillus, ils flottent tout simplement dans l’air, partout. On ne peut pas les éviter. Mais les gens normaux, ceux qui vivent en dehors du monde parallèle du cancer, ont un système immunitaire qui s’occupe rapidement de ces petites fripouilles en  les détruisant rapidement. Mais pour les enfants leucémiques, ces petites choses n’attendent que leur chance … En fait, l’une des principales causes d’infection grave pendant le traitement est appelée «infection opportuniste», cela signifie qu’il y a des créatures ici, partout, des petits monstres, qui flottent tranquillement dans l’air dans l’attente d’une opportunité…

Soupir.

Mais attendez! La fille de mon amie a terminé son traitement! Apres presque trois ans et plusieurs infections, et réactions, et hospitalisations, elle est finalement arrivée au dernier jour de chimio. (En fait, elle a même trouvé une astuce pour faire avancer la date de dernière chimio, en tombant tellement malade suite à un traitement qu’ils ont décidé de ne même pas lui donner cette dernière pilule de chimio… Quelle ingéniosité, cette petite!

Et les parents ont finalement pu respirer, avec un grand soupir de soulagement! Et la famille, et les amis, et tous ceux qui avaient suivi son histoire ont applaudi! Les parents l’ont inscrite à l’école, pour commencer dès le retour des vacances de Pâques. Hourra! La vie allait revenir à la «normale» après des années, la famille aurait enfin le droit de quitter le monde parallèle!

Et puis, pendant les vacances, la famille est allée faire du ski …

C’est ironique? Ou presque tragi-comique? Ou tout simplement assez pour vous faire crier de rage?

Elle s’est cassé la jambe au ski. Trois jours avant de commencer l’école.

C’est le genre de chose que, quand on l’apprend, on ne sait juste pas si on doit en rire ou en pleurer. Peut,-être qu’on devrait faire les deux.

D’un côté, c’est tellement, tellement frustrant de passer à travers  tous ce traitement et, juste avant que la vie normale commence, la famille se retrouve de retour à l’hôpital.

Mais d’un autre coté…Comment décrire le sentiment que j’ai à savoir qu’un enfant « normal » s’est fait un accident « normal » lors d’une activité « normale »… C’est un problème, si, mais du monde normal! Les gens en dehors du monde parallèle du cancer ne comprendront peut-être pas très bien cela, mais … Elle était au ski! La petite fille qui, il y a quelques mois, était hospitalisée aux prises avec une attaque d’aspergillus aux poumons! La petite fille qui connait probablement divers noms de chimiothérapies et de médicaments, qui peut probablement vous dire la dose exacte de méthotrexate qu’il faut pour la faire vomir!

Quand j’ai appris ces nouvelles je me sentais tout simplement effondrée pour mon amie, qui devait encore une fois se précipiter à l’hôpital avec un enfant blessé. Mon amie qui se sentait coupable, parce que les mamans se sentent toujours coupables, même si ce n’est pas notre faute, parce que nous pensons que nous devrions être capables de prévenir tout accident et de toujours protéger nos enfants, surtout un enfant qui a déjà assez enduré.

Mais, en même temps, j’ai aussi ressenti un étrange sentiment de bonheur et de fierté. Parce qu’elle skiait. Elle était normale.

Et, après tout, n’est-ce pas ce que nous voulons le plus pour notre enfant? D’être en mesure de vivre pleinement sa vie, prendre des risques, tomber et se relever de nouveau (avec un plâtre sur la jambe, peut-être), être heureuse?

Peut-être que c’est tout le sens qu’il nous faut dans la vie.

Les souvenirs du passé, les pensées vers l’avenir

Vous ne pouvez pas imaginer la force que vous avez en vous tant que cette dernière est le seul choix qui vous reste

Vous ne pouvez pas imaginer la force que vous avez en vous tant que cette dernière n’est pas le seul choix qui vous reste.

Parfois, surtout en fin de soirée, comme en ce moment, le calme de notre maison me ramène à la tranquillité de l’hôpital, tard dans la nuit. J’ai l’impression d’entendre encore l’écho de mes pas, quand j’arpentais les couloirs, d’un bout à l’autre, en essayant de m’éloigner de la peur.

Les nuits où Elliot était aux soins intensifs étaient les plus longues. Il n’y a pas de petit lit pour les parents, juste une chaise à côté du lit, et un rideau qui vous sépare d’un autre enfant. Nous avons découvert seulement plus tard que sa péridurale avait été mal placée, provoquant beaucoup de douleur, et les infirmières faisaient ce qu’elles pouvaient avec des injections de morphine et autres analgésiques. Martin et moi avons su tout de suite que nous ne le laisserions pas seul, même pas pour une minute. Nous ne pouvions pas contrôler le fait qu’il avait un cancer, mais on pouvait s’assurer qu’il ne se réveille pas seul dans la douleur. Donc, nous avions divisé les nuits en quarts, et on se relayait pour pouvoir dormir trois heures dans une petite chambre dans la résidence estudiantine tout près de l’hôpital.

Ces nuits étaient parmi les plus difficiles. Les journées aussi. La fatigue, l’anxiété, la peur, douloureusement présentes tout le temps, tout le temps.

Certaines choses ont mal tourné. En raison de l’aiguille épidurale mal insérée, Elliot a fait une réaction neurologique à la lidocaïne, qui a été transmise par ses nerfs au cerveau ; il a convulsé et ses pupilles dilatées avaient des tailles différentes. Les médecins ne soupçonnaient pas la péridurale et nous ont dit que c’était probablement une tumeur au cerveau et ont prévu une IRM d’urgence. Ai-je mentionné qu’il y avait eu des mauvais jours?

Les infirmières ont décidé que la péridurale ne l’aidait pas dans la gestion de la douleur, et l’ont alors enlevée. Ses yeux sont revenus à la normale et les médecins se sont réunis en un demi-cercle autour de son lit pour décider que ça ne devait pas être une tumeur au cerveau, après tout. IRM annulé et ils sont partis. Et nous sommes restés là, tremblant de soulagement, de peur, avec un sentiment  « Que s’est-il passé ? »  Tandis que les médecins travaillent déjà sur le cas suivant.

Toute la journée, nous sommes restés assis à côté de son lit, sur le qui-vive au cas où il se réveille dans la douleur, prêts à bondir sur le petit bouton pour appeler l’infirmière. Toute la nuit, on se retournait dans le lit du dortoir des étudiants, ou assis dans l’unité sombre des soins intensifs, à côté de son lit, grelottant, avec une grosse couverture enroulée autour des jambes, une autre autour du corps, tout en regardant les petites lumières rouges qui clignotaient, signifiant que tout allait bien.

Et lorsque nous étions les deux sur place et qu’un de nous avait besoin de se dégourdir les jambes, ou au « changement d’équipe » au milieu de la nuit, avait alors lieu la longue marche lente dans les couloirs calmes.

Lors de mauvaises nouvelles, l’infirmière me faisait sortir de la salle pour me consoler, pour éviter que mon fils ne me voie pleurer. Lors de bonnes nouvelles, je sortais dans le couloir avec l’impression que je pouvais voler, et je tombais sur une autre mère qui pleurait et l’infirmière qui la consolait.

C’est un sentiment étrange d’être assise ici ce soir, dans mon salon tranquille, tout en sachant qu’il y a un enfant dans le lit, là-bas, et qu’il y a une mère qui arpente le couloir en ce moment. Et moi je suis assise à la maison.

Combien d’autres mamans ai-je rencontré depuis le début de cette aventure? Combien d’autres enfants? Je ne sais pas exactement,  mais des amitiés très fortes sont nées de ces péripéties. C’est étrange de se réjouir de ces amitiés qui ont été révélées par une expérience que je ne souhaiterais à personne. J’ai eu des grands moments de rire avec les mamans cancer, gloussant comme des adolescentes en se racontant quelques-unes de nos aventures étranges ou ridicules à l’hôpital ; j’ai pleuré avec ces mêmes mamans.

Curieusement, un des moments les plus effrayants pour moi concernait l’enfant d’une autre maman. J’étais partie avec des amies ‘non-cancéreuses’ à Prague, pour faire du shopping la journée et aller à un concert le soir. J’étais tellement contente de partir, mon premier voyage depuis plus d’un an. Mais l’anxiété me rongeait et je n’avais pas l’impression ‘d’appartenir’ à ce monde. J’avais changé mais le monde n’avait pas changé. J’avais moins de plaisir à acheter des vêtements et des cadeaux; j’avais du mal à lâcher mon angoisse. Mes soucis s’accrochaient à moi comme une couverture lourde enroulée autour de mes épaules, me tirant vers le bas, rendant chaque pas laborieux. Mes deux amies, qui étaient venues du Canada pour me rejoindre, le ressentaient surement, elles me connaissent depuis quelques décennies.

Soudain, un sms d’une maman que je connais et qui est à l’hôpital avec sa fille de 4 ans pour un contrôle. Le message est bref. ‘Il y a un gros point qui brille sur l’image. Ca ne peut être qu’une rechute. ‘

Je suis restée là, debout dans l’air froid de Prague qui passait sous mon manteau me glaçant la colonne, à lire et relire le message.

Pendant quelques secondes, je n’ai rien senti, juste une étrange douleur aiguë dans mon estomac. Aucune émotion. Il n’y avait aucune raison que cette petite fille rechute maintenant. Le traitement avait bien marché.  Il n’y avait aucun signe, aucun symptôme. Un peu comme … Elliot, lorsque nous avons découvert son cancer. Aucun symptôme. Un enfant parfaitement sain, qui courrait partout et, tout à coup, on vous dit qu’il est mourant.

J’ai commencé à taper un message pour lui répondre.

Je n’arrive pas à y croire …’ Non, ça ne va pas! Supprimé.

Tu es sûre ?….’.Non. Supprimé. La douleur dans mon estomac s’aggrave. Je serre mon téléphone dans la main, les doigts glacés.

Que disent les médecins?’ Question stupide. Supprimé.

Je ne sais pas comment répondre. Et la raison est que, quoique j’écrive, ça ne changera rien.

Finalement j’écris: ‘Je suis là. Je pleure.’ Je sais que ça n’aide pas du tout. Et puis les larmes coulent, pas seulement pour cette petite fille et sa mère, mais pour tous les enfants, pour les miens, et puis pour moi, qui ne méritait pas d’avoir à s’inquiéter pour son enfant, qui aurait dû simplement pouvoir profiter du voyage à Prague.

Bien sûr, mes amies ont fait exactement ce que les amies doivent faire dans des situations de ce genre ; elles m’ont pris dans leurs bras, on a bu un coup et mangé des desserts. (petite parenthèse : c’est très cool de regarder le barman préparer l’absinthe lorsqu’il fait bruler le sucre sur une cuillère spéciale mais le goût est affreux. Malgré notre désespoir, nous avons rapidement quitté cet endroit pour un restaurant plus sophistiqué servant du vin et des desserts décadents tchèques).

Mes amies, désireuses de me remonter le moral, se sont concertées et ont décidé que j’étais probablement trop immergée dans le monde du cancer. Je me noyais ; mes soucis pour les autres enfants m’empêchaient de voir que le mien allait mieux. Nous avons décidé qu’il fallait que je pense à autre chose. Que je trouve des passe-temps. Que je m’inscrive à un cours. J’étais d’accord ; je commençais presque à être gênée par ma crise de larmes. J’avais juste besoin de m’éloigner du monde du cancer.

Mais au lieu de me sentir mieux, j’ai commencé à ressentir de la colère. Le vin et le dessert avaient calmé la colère pendant un moment, mais elle a réussi à s’infiltrer au milieu de la nuit. Je l’ai cachée une bonne partie de la journée suivante, car nous prenions l’avion pour rentrer, et qu’il est assez facile de dissimuler la colère lorsque vous êtes à l’aéroport et que votre vol est en retard ; tout le monde est en colère de toute façon.

Finalement, à mi-chemin pendant le vol, j’ai enfin réussi à m’avouer que je n’avais pas l’intention de me concentrer sur autre chose. J’étais en colère contre cette rechute. Ça n’avait pas de sens. C’était illogique (comme le cancer, bien sûr), mais les choses illogiques m’énervent. La mère de la jeune fille m’avait envoyé plusieurs sms et, apparemment, les médecins étaient perplexes. Tous les autres tests étaient bons ; il n’y avait qu’une image qui montrait une rechute. Ce cancer n’était (et est toujours) qu’une grosse brute, essayant de nous faire fléchir de peur. Eh bien, NON, je me suis dit. Je ne me cacherai plus, je ne vais plus faire semblant que cela ne pourrait pas m’arriver. Ça pourrait.

Oui, la chose la plus logique serait de me protéger, de me distancer de tout désagrément. La vérité, c’est que je le fais souvent. Je ne peux pas regarder des films ou émissions de télévision où les enfants se blessent ou meurent. J’ai arrêté de lire le journal, car il y a toujours une horrible tragédie impliquant des enfants. Il est plus facile d’éviter ces choses désagréables, n’est-ce pas?

Mais je ne peux pas abandonner une amie. Jamais. Et si c’était moi, si un jour il arrivait quelque chose à Elliot, je ne voudrais pas que mes amies du cancer s’enfuient et se cachent. Je voudrais qu’elles unissent leurs forces pour me soutenir, peu importe. D’être là, de se joindre à la lutte, se tenir la main si les choses tournent mal. Pour être forte quand je ne peux pas.

Et curieusement, une fois avoir pris cette décision, l’angoisse lancinante que j’avais ressentie, même avant le voyage à Prague, est partie. Oui, de mauvaises choses arrivent. Elles arrivent même lorsqu’elles ne devraient pas, et, parfois, l’injustice est si amère que vous en avez le goût dans la bouche. Mais il nous arrive souvent de bonnes choses. En pleine lutte pour la vie de votre enfant, vous vous faites un nouvel ami. Pendant cette période, qui devrait être l’une des plus sombres de votre vie, vous riez à gorge déployée pour une raison stupide. C’est parfois dans les moments difficiles que l’on découvre sa force.

Donc voilà ! Je ne vais pas quitter le monde du cancer. J’ai commencé un passe-temps, sans aucun rapport avec le cancer (je prends des cours de piano! Agh! Ma prof de piano m’avait dit que, comme j’avais joué du piano étant petite, ça allait m’aider ….. C’était avant de m’avoir entendu jouer le morceau que j’avais travaillé toute la semaine … Elle sourit beaucoup, un peu comme quand vos chaussures sont trop serrées.)

Non, au contraire, je vais m’endurcir. Je vais faire face au fait que les drames arrivent. Je peux essayer d’aider, d’espérer un miracle pour chaque personne que je rencontre le long de mon chemin. Je peux être là, et j’ose espérer que quelqu’un sera là pour moi de la même façon, si j’en ai besoin. Je peux rester aux côtés de mon amie et tout affronter. Je peux rechercher des options de traitement, si ça peut aider, tout en restant calme et logique, car c’est plus facile d’avoir les idées claires lorsque ce n’est pas votre enfant.  Je peux ressentir toute la douleur et la peur, mais je peux aussi continuer à répéter le fait le plus important : ‘les médecins ont dit qu’il ne vont pas baisser les bras. Ils veulent la guérir’.

Et la colère? Je l’ai canalisée. Je me souviens avoir lu que la colère est la meilleure émotion pour vous faire réagir. La colère motive. La colère donne de l’énergie. Donc, je suis en colère contre le cancer, et j’ai décidé d’arrêter le cancer. Ouais, c’est vrai. Vous savez, quand je prends une décision je peux être assez têtue. Il y a quelques pistes que je pourrais suivre: je pourrais quitter mon travail et retourner étudier pour devenir chercheur en médecine et trouver un remède pour les cancers pédiatriques. Ceci a l’inconvénient certain de a) prendre beaucoup trop de temps b) exiger que j’étudie et c) la perte de mon salaire. Sans parler du fait que je veux faire quelque chose TOUT DE SUITE. (Ai-je mentionné que je n’ai aucune patience?) Donc, une autre possibilité serait de trouver des gens qui ont déjà étudié et fait tous ces trucs ennuyeux et les soutenir pendant qu’ils cherchent le remède pour les cancers pédiatriques.

Donc, si vous vous demandiez pourquoi je suis impliquée dans la collecte de fonds, maintenant vous le savez: c’est parce que je suis trop paresseuse pour étudier. Ouais, je suis souvent plongée dans le monde du cancer (à l’exception de mes moments de virtuosité au piano), mais c’est un choix conscient.

Être forte tout le temps lorsque vous êtes seul est impossible. Mais si chacun d’entre nous, les mamans du cancer, les papas du cancer et les amis du cancer, se tiennent les coudes, l’union de notre force sera suffisante.